Un article écrit par Noé Melon

L'incroyable revanche du Vert

 

Avec l'avènement du “greenwashing” notamment dans la publicité, toutes les marques s’emparent de l’étendard vert. Il est devenu la couleur emblématique de la nature, du bon, du bio et des causes justes. Comment le vert est-il devenu l’emblème absolu du bien ?

Pour le vert, tout commence mal

Au Moyen Âge, le vert est aussi détesté qu’il est adoré aujourd’hui ! Il représente la couleur de Satan, de l’étrangeté et des êtres surnaturels comme les sorcières ou les lutins : bref, la couleur des ennemis de la chrétienté. Pour ne rien arranger à sa réputation, il se trouve que le pigment utilisé par les peintres de l’époque, le vert-de-gris, était aussi un poison. 

D’autre part, le vert est un mélange (de bleu et de jaune) très mal vu par les religieux de l’époque pour qui la création d’une matière par le mélange était une hérésie. Encore aujourd’hui, ce symbole d’étrangeté persiste dans la mythologie de la couleur. La célèbre maison Serpentard d’Harry Potter, représentée comme maléfique, arpente un vert profond et les petits hommes verts venus de Mars ont souvent des intentions meurtrières dans les films de science-fiction.

Peinture du diable sous forme de reptile qui tend un livre à Saint Augustin
Saint Augustin et le diable, Michael Pacher, 1435

Une couleur chanceuse

Couleur de l’étrange mais aussi couleur du destin, de la chance ou de la malchance ! Trèfle à quatre feuilles, tables de jeux des Casinos, tables de billards, pelouses des stades : c’est sur du vert que tout se joue. Et qui dit gains potentiels dit aussi argent. Le vert devient donc la couleur de la fortune et de l’argent bien avant d’être repris… sur les Dollars américains !

Image d'untrèfle à quatre feuilles en papier maché

Le vert énergisant

Le mot  « vert » vient du latin viridis  « verdoyant », qui vient lui-même du verbe virere : « être vert, florissant ». Le vert, couleur du printemps, porte en lui l’idée de croissance, de fertilité, de renouveau et d’espoir. “Spring”, le printemps en anglais, signifie également le rebond, l’entrain. Le vert est donc un symbole de vie. D’ailleurs, en Chine, la pierre de jade verte représente la semence du dragon céleste, une force vitale masculine. Cette pierre est aussi réputée pour apporter l’immortalité.

Le vert, c’est l’énergie créatrice, le dynamisme de la nature. Avec le temps, cette symbolique a évolué. Elle s’est éloignée de la nature pour ne garder que l’aspect énergétique. Sony Ericsson ou Xbox utilisent un vert qui rappelle l’univers de l’informatique (vous rappelez-vous des chiffres verts de Matrix ?). Ici, c’est l’énergie électrique, technologique qui est mise à l’honneur. C’est pour cette raison que l’on retrouve des nuances de vert dans les logos de marques liées à l’énergie. La marque de boissons énergisantes Monster utilise d’ailleurs une nuance de vert fluo sur ses packaging. C’est aussi la couleur choisie par Starbucks pour donner un regain d’énergie aux amateurs de café. Mais aussi par les stations services BP, source d’énergie des véhicules.

Logo de Starbuck représentant une sirène blanche sur fond vert
Logo de Starbuck

Le symbole de la nature

Certains pourront dire que la nature a toujours été verte, en témoignent les indénombrables espèces d’arbres, de plantes et d’herbes qui recouvrent la planète. Mais il n’en est rien, car avant le XVIIIe siècle, en peinture, la nature portait d’abord les couleurs des quatre éléments : l'eau, la terre, le feu et l'air. Ce n’est qu’après que la nature devient verte à l’image de la végétation.

Encore plus tard, au XIXe siècle, après les révolutions industrielles, l’extension des villes, la croissance des usines, donnent à certains l’envie  « de se mettre au vert ». C’est alors que le vert va lentement passer de couleur à idéologie. La chlorophylle va s’imposer pour devenir le remède à tous les maux contemporains : pollution, nourriture transformée et industrielle, grisaille, surpopulation des villes…

Le vert : notre sauveur

Fort de tous ces symboles, le vert est lentement devenu une couleur emblématique du bon, du bien, du meilleur, du plus sain, du plus naturel. Se servir du vert pour sa marque, c’est montrer que l’on se soucie de la terre, des humains, des animaux. Adopter le vert, c’est donc montrer patte blanche aux consommateurs. Ce n’est pas pour rien que le Bio s’est emparé de cette couleur plutôt qu’une autre. Quand McDonald's a souhaité soutenir son discours sur la provenance et les choix des aliments de ses burgers, c’est sans surprise que la marque a ajouté du vert à son logo.

Logo de McDonald qui passe d'un fond rouge à un fond vert
Logo de McDonald

Logiquement, le vert s’est imposé comme une couleur militante. Celle que l’on brandit comme étendard lorsqu’on a l’ambition d’agir pour un monde meilleur.

Greenpeace s’en sert d’ailleurs pour alerter et alarmer sur tout ce qui a trait à la nature et l’écologie. Le parti Europe Écologie porte, sans surprise, le surnom totalement assumé : « Les verts ».

Trop de vert, tue le vert ?

Ce systématisme dans l’utilisation du vert pour se donner une bonne image a même inspiré la création d’un nouveau mot : le « Greenwashing ». Cet anglicisme désigne toutes les pratiques qui consistent à utiliser abusivement un positionnement ou des pratiques écologiques à des fins marketing. Alors arrivera t-on bientôt à l’overdose de vert ? Peut-être bien. Mais à voir le nombre de marques qui l’utilisent, le vert à encore de longues années devant lui. À partir de maintenant, vous ne regarderez plus le vert comme avant.